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Dumpings, environnement, esclavage : Un salaire minimum mondial offrirait des solutions

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Un salaire minimum mondial offrirait des solutions

FIGARO SOCIETE Par Francis Journot   Publié le 21/11/2017

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Le Figaro/Tribune - Francis Journot dénonce l'esclavage de plusieurs dizaines de millions de femmes et d'hommes rémunérés quelques dizaines ou un peu plus d'une centaine d'euros par mois. Il défend un salaire minimum mondial, qui initierait une transition vers un changement de paradigme.

 

Dérégulation des échanges et déséquilibres économiques, surproduction et destruction de l’environnement, conditions de travail proches de l’esclavage et immigration, chômage et précarisation dans les pays développés : La mondialisation heureuse et la cohésion européenne sont restées à l’état de slogan. Le 17 novembre 2017, lors du sommet social européen de Göteborg, le  président français Emmanuel Macron a exhumé le thème du salaire minimum européen sans toutefois intégrer les paramètres inhérents à une économie mondialisée. Pourtant, l’instauration d’un salaire minimum européen pourrait passer par celle, conjointe, d’un salaire minimum mondial. Le salaire spécifique aux exportations est une option qui devrait être maintenant envisagée. 

Comment créer un salaire minimum européen ?  

Le projet de salaire minimum européen unique ou selon le revenu médian de chaque pays n’a jamais  abouti lorsque l’UE ne comptait que 15 membres et 25 ans après Maastricht, on peut douter d’une éventuelle adhésion des 28 pays. Un salaire que les états pourraient difficilement assumer dans leurs administrations ou que les entreprises produisant pour la population locale ne pourraient guère payer à leurs salariés, n’a bien évidemment aucune chance de voir le jour, même en deux étapes, zone euro puis UE,  ainsi que le préconise le président de la commission européenne Jean Claude Juncker. De plus, une augmentation unilatérale des salaires européens désindustrialiserait et appauvrirait un peu plus une Union européenne qui déplore un déficit extérieur de 170 milliards de dollars avec la Chine, comparable à celui des USA qui dépassait 478 milliards de dollars en 2016 avec ce même pays. Au sein des pays de l’UE, seule l’Allemagne tire son épingle du jeu. Celle-ci remporte le jackpot avec un excèdent mondial record de 293 milliards de dollars dont 257 avec la Chine. La première économie de l’UE profite à la fois d’un yen sous-évalué qui lui permet d’importer des pièces à bas prix mais aussi d’une main d’œuvre de sous-traitants des pays voisins dont les salaires comptent parmi les plus modestes d’Europe.

Les pays européens aux plus bas salaires de l’UE ne renonceront pas à leur avantage compétitif à moins que l’augmentation n’affecte guère leurs économies respectives. Mais pour cela, il serait alors indispensable que l’ensemble des autres pays à bas coûts augmente également les salaires en concurrence soit ceux des ouvriers et employés produisant des biens et services ensuite exportés vers les grands marchés de consommateurs.   

Convention internationale pour un salaire minimum spécifique à l’exportation

Il conviendrait donc de soumettre l’exportation vers les deux grands marchés de consommateurs, à l’engagement des chefs d’états, au cours d’une convention internationale pour un salaire minimum, de légiférer ensuite dans leurs pays respectifs, en faveur d’un salaire minimum mondial rémunérant les ouvriers et employés qui produisent des biens et services destinés aux USA et à l’UE.  

Son montant qui pourrait se situer entre 250 et 350 € les premières années, serait déterminé au terme d’un vote de la convention. Certes une part des salaires manufacturiers chinois se situe déjà dans cette fourchette mais les ouvriers travaillant chez les sous-traitants de plus en plus nombreux en Asie, en Afrique ou en Europe (hors pays de l’UE) en profiteraient. Ambitieux pour les uns, trop modeste pour d’autres, ce pas constituerait néanmoins un indéniable progrès social pour plusieurs dizaines de millions de femmes et d’hommes rémunérés quelques dizaines ou un peu plus d’une centaine d’euros par mois pour travailler parfois dans des conditions proches de l’esclavage.

De même la création au sein de l’UE d’un salaire minimum européen qui pourrait avoisiner 600 €, accélérerait la réalisation de l’Europe sociale souhaitée par Bruxelles mais qui jusque-là a échoué. La hausse salariale satisferait les ouvriers des 10 pays de l’UE dont le salaire minimum est proche ou inférieur à 400 € sans pour autant menacer les économies des états. En effet, il est peu probable que les industries de main d’œuvre maintenant délocalisées dans des pays à plus bas coûts reviennent instantanément dans des pays qui ont perdu leurs savoir-faire et leurs capacités productives.

Pour exemple, la fabrication d’articles textiles bas ou moyen de gamme ne coûterait le plus souvent que quelques centimes ou dizaines de centimes d’euro en plus. En revanche l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés de l’industrie et des services exportés s’étendrait mécaniquement à l’ensemble des populations des pays concernés et pourrait générer des marchés à plus forte valeur ajoutée parfois plus locaux et respectueux de l’environnement.   

Apres l’échec de toutes les conférences sur le climat, il faut changer de stratégie 

Lorsqu’une ouvrière rémunérée mensuellement 30 ou 100 €,  assemble plusieurs centaines ou milliers de vêtements chaque mois, on considère souvent que le coût de fabrication est insignifiant mais il n’en va pas de même pour l’impact sur l’environnement car le textile est la deuxième cause de pollution derrière l’industrie pétrolière. En instituant un salaire minimum, le vêtement abandonnera progressivement son statut de produit jetable.

Un salaire de 300 € ne ferait pas obligatoirement grimper les prix dans les grandes enseignes. Ceux-ci sont généralement fixés en fonction du pouvoir d’achat des pays consommateurs et de leur concurrence. Seraient principalement impactés, le rythme hebdomadaire des collections «fast fashion», les budgets publicitaires, la surface des magasins pharaoniques installés sur les avenues les plus prestigieuses et les marges bénéficiaires. Auparavant chaque article avait un coût de fabrication qui valorisait le produit. Désormais, H&M brule chaque année, selon des journalistes danois, 12 tonnes de vêtements.

Le modèle de libre-échange débridé qui favorise une  production plus quantitative que qualitative et déplace des centaines de millions de tonnes de marchandises d'un bout à l'autre de la terre, devra être repensé. Selon Le Gardian, les 15 plus gros porte-conteneurs polluent autant que la totalité du parc automobile mondial. Aujourd’hui, près de 100 000 cargos sillonnent les mers. La conférence sur le climat qui a eu lieu à Paris en 2015 a sensibilisé le monde aux enjeux climatiques mais à l’instar des précédentes réunions, ne permettra pas de réduire la surproduction notamment chinoise. Le premier pollueur mondial avait déjà fait échouer la conférence de Copenhague en 2009 et ne cache pas son ambition de dominer l’économie mondiale avant de songer à réduire ses émissions dont le pic ne sera atteint qu’en 2030 mais jugeait la contribution climatique des pays développés fixée à 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, très insuffisante. Un marché de dupes ne fait jamais longtemps illusion et l’échec semble une fois de plus, inévitable. 

Certes, le salaire minimum mondial ne résoudrait pas toutes les problématiques. Néanmoins, il initierait une transition vers un indispensable changement de paradigme. Consommer moins mais mieux pourrait en constituer l’un des objectifs.

Nous avons demandé ce mois-ci à un groupement spécialisé d’avocats réputés de la Côte Est des Etats-Unis de transmettre notre proposition de convention internationale pour un salaire minimum mondial au gouvernement américain. Le président Donald Trump pourrait permettre l’aboutissement de ce projet qui représenterait un important progrès social et environnemental pour l’humanité mais le voudra-t-il ?        

                   Francis JOURNOT  

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